Pascal Picq était à Blois, ce dimanche pour une cinquième participation aux Rendez-vous de l’histoire. Ses contributions évoluent avec la société. L’intelligence artificielle est au cœur de ses derniers travaux.
Du Collège de France à la halle aux grains. Avec toujours cette même appétence pour transmettre, partager. Devant un amphithéâtre bien rempli, l’auteur et paléoanthropologue Pascal Picq est venu présenter son nouveau livre (1) et converser autour de l’intelligence artificielle (IA) qui, depuis dix ans déjà, a investi divers pans de notre quotidien. Avant « une accélération brutale ».
Faut-il s’en inquiéter ? En avoir peur ? Dernièrement, une affiche pour faire la promotion de Chamonix avec une image « générée par une intelligence artificielle et sublimée par l’homme », comme l’indiquait une mention, a fait monter en pression pro et anti-IA sur les réseaux sociaux. Humains et animaux y cohabitent et constituent une « image engageante ». Mais au-delà de l’aspect marketing, faut-il craindre que les machines prennent notre place ?
« On dit beaucoup de bêtises sur l’IA »
Pascal Picq, sans notes ni même ouvrir son ordinateur, entame sa conférence debout. Les réflexions qui alimentent son nouvel ouvrage sont nées alors que Raphaël Enthoven venait de sortir son nouveau livre, L’Esprit artificiel. Qu’il découvre en arpentant la boutique d’une gare. L’auteur y explique qu’en philosophie, l’intelligence artificielle ne sert à rien. De quoi faire réagir Pascal Picq, qui lui pense le contraire. Et qui décide d’en faire un livre impliquant Klara, une IA exceptionnelle inspirée du roman de Kazuo Ishiguro Klara et le Soleil (2021), Raphaël, un philosophe et essayiste reconnu (Enthoven, donc) qui conteste précisément à l’IA toute prétention à philosopher, et Pascal (Picq, vous aviez compris), un anthropologue spécialiste de paléontologie.
Un dialogue s’instaure au fil des pages. Devant son auditoire, Pascal Picq se veut pédagogue. « On dit beaucoup de bêtises sur l’IA. Elle n’est pas qu’une, elles sont plusieurs. Et tout va très très vite », rappelle celui qui nous a plongés dans les vertiges de notre futur. « On fait des machines pour être meilleurs que nous. Vont-elles nous remplacer ? », renchérit encore Pascal Picq, reprenant dans sa voix une crainte entendue ici et là. « Ces technologies n’ont pas créé plus de richesses qu’elles n’en ont détruites. Les machines ne vont pas nous remplacer, pas au sens de Terminator. Dans certains cas oui, elles sont meilleures que nous. Il ne faut pas se vexer, elles sont faites pour ça. »
« L’arrogance va se payer très cher »
Et le paléoanthropologue de relater l’histoire de l’IA, née en 1943, puis autrement en 1955. Suivant deux approches : la première est cartésienne, la seconde, darwinienne.
Puis le calendrier s’accélère quand en 2007, Steve Jobs brandit le premier iPhone. « Même lui ne sait pas comment le monde va changer », lance Pascal Picq dans un sourire, rappelant au passage qu’à la différence d’autres cultures, l’Europe peine à prendre en compte « l’intelligence des animaux et l’intelligence des machines. Et l’arrogance va se payer très cher ».
Lui-même utilise l’IA. Selon deux supports : ChatGPT et Cloud 3. Le premier depuis un an (« Il me connaît mieux »), le second depuis 2 mois. Des outils donc.
« Je ne suis pas là pour vous rassurer, mais pour vous dire le monde comme il est. » Reste à ce que la connaissance et la conscience n’en soient pas trop éloignées.
(1) Le livre « Klara, Raphaël et Pascal. L’IA, le philosophe et l’anthropologue » sort le 23 octobre.