ENTREPRISES ET INTELLIGENCES ARTIFICIELLES DANS L'ESPACE DIGITAL DARWINIEN
"La convergence en cours entre l’internet des objets, les blockchains, les jumeaux numériques, les impressions 3D et les réalités augmentées modifient déjà et vont faire évoluer toutes les activités des entreprises"
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Entreprises et intelligences artificielles dans l’espace digital darwinien

par Pascal Picq

Collège de France – Anthroprise

Le conférencier Pascal Picq est paléoanthropologue au Collège de France. Ses recherches s’intéressent à l’évolution morphologique et sociale de la lignée humaine dans le cadre des théories modernes de l’évolution. Après avoir introduit l’éthologie dans le champ de l’anthropologie évolutionniste (Il était une Fois la Paléoanthropologie Odile Jacob 2010), il s’est impliqué dans des questions de sociétés en dénonçant les archaïsmes à l’encontre de la diversité et des femmes (Nouvelle Histoire de l’Homme Perrin 2005), pour la défense de la laïcité (Lucy et l’Obscurantisme Odile Jacob 2007) et un essai (im)pertinent sur les origines naturelles de la politique au moment des élections présidentielles (L’Homme est-il un grand Singe politique ? Odile Jacob 2011). Ses réflexions et ses travaux intéressent de plus en plus le monde économique et social sur les processus de l’innovation et du management des groupes autour du concept d’Anthroprise (Un Paléoanthropologue dans l’Entreprise Eyrolles 2011). Il est associé à l’APM, à l’Académie des Entrepreneurs et à la Fabrique de l’Industrie. Ses travaux récents décrivent comment, de la Préhistoire à demain, les mêmes mécanismes adaptatifs font que l’Homme ne survit que par ses entreprises. Ses derniers essais De Darwin à Lévi-Strauss : l’Homme et la Diversité en Danger et Le Retour de Madame Neandertal : comment être sapiens (Odile Jacob 2013 et 2015) et La Marche (Autrement 2015) sont des plaidoyers pour l’avenir de l’humanité.

L’humanité et les entreprises sont rentrées dans un nouvel âge en 2007 avec l’arrivée du smartphone, l’urbanisation de plus de la moitié de l’humanité et l’émergence de ce qu’on appelle la nouvelle intelligence artificielle (apprentissage machine et apprentissage profond). Mais ce n’est que quelques années plus tard, en 2012, que nos sociétés et les entreprises commencent à percevoir les changements en cours avec ce qu’on appelle l’ubérisation de la société, première manifestation concrète de la vague de digitalisation et de l’économie de plateforme.

En créant de nouvelles intermédiations entre les clients et les prestataires de biens et de services, les smartphones et les applications ont bouleversé le monde socio-économique. C’est là qu’on entre dans l’espace digital darwinien, car l’invention puis la sélection des applications opèrent comme la sélection naturelle, ce qu’on appelle l’algorithme darwinien : un monde dans lequel les solutions attendent leurs problèmes (qui est celui des startups).

Que sont les intelligences artificielles ? Car il y en a plusieurs (classique/symbolique, moderne/subsymbolique, nouvelle/complète), qui ne font pas les mêmes choses et qui sont appelées à converger très vite vers ce qu’on appelle l’ultra-intelligence artificielle. Mais elles ne seront jamais humaines, même si elles réalisent certaines tâches mieux que les humains (elles sont faites pour cela), mais pas toutes, loin de là (paradoxe de l’ingénierie inverse).

Elles ne vont pas faire disparaître les métiers, ou très peu, mais modifier les tâches au sein des métiers, inventer de nouvelles collaborations humains/machines (cobots, assistants personnels, avatars numériques …). Des métiers disparaissent, d’autres évoluent, d’autres apparaissent comme à chaque révolution industrielle ; nous sommes dans la quatrième.

Les entreprises connaissent des transformations fondamentales propres (restructuration vs. reconfiguration), entre elles (coévolution), entre elles et les clients (méthodes agiles, services anticipés, méthodes prédictives, suivis en ligne …). Ceci existe déjà. Mais la convergence en cours entre l’internet des objets, les blockchains, les jumeaux numériques, les impressions 3D et les réalités augmentées modifient déjà et vont faire évoluer toutes les activités des entreprises (management, RH, R&D, marketing, conception, production, distribution, relations clients, coévolution, systèmes de valeurs partagées …).

Seulement la France ne se range qu’au 17e rang des pays engagés dans la transformation digitale en Europe, un continent lui-même en retard sur l’Amérique du Nord et l’Asie orientale. Pourquoi ? En raison d’approches inadaptées et de conceptions philosophiques erronées sur les relations contractuelles entre les hommes, les machines et les environnements alors que l’humanité est entrée dans sa troisième phase de coévolution avec les machines apprenantes et auto-adaptatives. Les adaptations nécessaires viendront des entreprises capables d’engager des transformations culturelles et techniques profondes et par-delà les incitations du World Economic Forum et les grandes initiatives à peine naissantes en Europe. La troisième coévolution est aussi l’âge des entrepreneurs et des entreprises auto-adaptatives.

PLAN GÉNÉRAL DE LA CONFÉRENCE

  • La coévolution des sociétés humaines avec leurs innovations techniques : du feu au smartphone.
  • Du premier âge des machines au second âge des machines.
  • Bienvenu dans l’EED : espace digital darwinien.
  • Intelligences artificielles : ce qu’elles sont, ce qu’elles ne sont pas et ce qu’elles font et ne font pas (pour l’instant).
  • Les grandes convergences du numérique : du web 2.0 aux avatars numériques.
  • Les règles fondamentales d’une transformation numérique.
  • S’adapter dans l’EDD : du darwinisme réel au darwinisme digital.
  • Pourquoi la culture française, malgré d’excellents chercheurs et ingénieurs, accuse un tel retard ? Une question de culture entre quête de sens et sens de l’action.
  • Dans un monde lamarckien, il faut être lamarckien ; dans un monde darwinien, il faut être darwinien. C’est une question de stratégie, de leadership et de management.

LIVRES

L’Intelligence artificielle et les Chimpanzés du Futur : pour une Anthropologie des Intelligences
Odile Jacob 2019

Homo numericus au Travail (préface)
Pierre Beretti et Alain Bloch, Economica 2016

Un Paléoanthropologue dans l’Entreprise. S’adapter et innover pour survivre.
Pascal Picq - Eyrolles 2011

Quelques conférences en rapport avec le sujet

Comment les entreprises peuvent-elles survivre dans l’espace digital darwinien. Conférence pour la fondation du Club HBR France (Harvard Business Review), le 22 janvier 2019.

IA versus IH : quelle sera notre humanité à H2030. Vers l’Union de l’Homme et de la Data, ATF Technion, Maison de la Chimie, Paris, le 10 décembre 2018.

Du Biomimétisme à la bio-inspiration : une nouvelle coévolution pour l’humanité. BiomExpo, Quand la nature inspire l’innovation, Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris, le 23 octobre 2018.

Faut-il augmenter l’homme ? Forum Big Bang de la Santé, Le Figaro, Maison de la Chimie, Paris, le 18 octobre 2018.

AI : an anthropological and philosophical perspective. France is AI, Station F, Paris, le 18 octobre 2018.

Les RH et l’entreprise connectée. Salon Préventica, Parc des Expositions, Bordeaux, le 4 octobre 2018

La fabrique des intelligences. Festival des Nouvelles Explorations, Palais des Congrès de Royan, le 3 octobre 2018.

Vers l’union de l’homme et de la data. Avec Muriel Touaty (Technion France), Innovative City, Palais des Congrès de Nice, le 27 juin 2018.

Sapiens et IA, le match ? Pourquoi les neurones ont un avenir par la coopération et le sens. Avec Denis Jacquet. Evènement AI Paris – Evolution, Cité de la mode et du Design, Paris, le 12 juin 2018.<br>

Intelligences artificielles, robots … faut-il avoir peur du futur ? Avec Antoine Petit, Président du CNRS, 1ére Université du Futur, Nouvelle-Aquitaine, TAP Théâtre Auditorium, Poitiers, le 28 mai 2018.

Big data ou mydata. Les données de santé seront-elles le pétrole du XXIe siècle. 11 rencontres de l’Officine. Palais des Congrès, Paris, le 10 février 2018.

Homo à l’ère digitale. Les Sommets du digital, La Clusaz, le 6 février 2018.

Quelle économie dans l’espace digital darwinien ? 17e Forum Economique Rhodanien L’intelligence artificielle dans tous ses états. Martigny, Suisse, 15 septembre 2017.

Du Paléolithique à l’intelligence artificielle : l’homme et son rapport au monde. IdeasDays, Grenoble, le 4 juillet 2017.

Le Travail aux robots, la vie aux humains. 5e Forum changer d’ère. Cité des Sciences et de l’Industrie, le 13 juin 2017.

Welcome in the e-anthropocene. Digital Transformation : a force for a better world. INSEAD Alumni Forum Europe. Palais de Tokyo, Paris, le 17 juin 2017.

RÉSUMÉS DE CONFÉRENCES

L’AIDANT : UNE CHANCE POUR L’ENTREPRISE ?

Pascal PICQ, paléoanthropologue, fondateur d’Anthroprise
Jacques MARCEAU, membre de la Fondation Concorde, co-fondateur des Assises des Aidants

La crise de la COVID 19 a mis en évidence combien l’entraide tisse les liens anthropologiques et sociétaux fondamentaux de nos sociétés. C’est ainsi que des millions de personnes « invisibles », le plus souvent des femmes, échappant à toute statistique socio-économique, œuvrent au quotidien pour accompagner, éduquer ou procurer des soins à un proche handicapé ou dépendant. Une situation humainement normale mais qui devient un enjeu non seulement social mais encore économique majeur pour nos sociétés du fait de ses conséquences sur le travail, l’innovation et les entreprises. Il faut, et très vite, sortir ce sujet de « l’invisibilité » et ne plus se satisfaire des très insuffisants index économiques existants pour l’évaluer et y répondre. A cet égard, les enquêtes internationales indiquent un mauvais classement de la France parmi les « pays où l’on vit le mieux » et ce, malgré notre « modèle social ». Mais qu’est-ce qu’un modèle social sans entraide ?

 Entre vieillissement de la population et explosion des maladies chroniques, sans oublier le handicap, la démographie de la dépendance est, conformément aux prévisions des augures et autres démographes, en pleine croissance. Dans le même temps, le nombre d’actifs en France ne s’est jamais autant contractée, alors même que notre système de protection sociale est principalement financé par le travail. Des actifs qui, non contents de financer la protection sociale seront statistiquement presque tous amenés, à moment de leur vie, à aider un proche malade, handicapé ou dépendant.

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DES ENTREPRISES, DES GRANDS SINGES ET DES ROBOTS : COMMENT MANAGER

Pascal PICQ, paléoanthropologue, fondateur d’Anthroprise
Anthroprise – Ancien chercheur au Duke University Medical Center  et au Collège de France

L’homme ne descend pas du singe. Il fait partie d’une grande lignée avec des singes et de grands signes. De la même façon, il n’y a pas l’entreprise mais des entreprises. Comprendre l’évolution commence par saisir les diversités. Et on est servi du côté des entreprises depuis quelques années : entreprises apprenantes pour l’innovation, ambidextres pour s’adapter, à missions pour la RSE, aujourd’hui hybrides avec les formes de travail à distance. Avant, on allait au travail, maintenant une partie du travail vient à nous. Plus encore, les lieux de travail commencent à se balader dans les métavers. Il y a du boulot pour le management. « Comment ne pas devenir fou ? » comme le clament quelques philosophes ? Pas de panique, il s’agit d’évolution, mais il faut s’adapter. 

Dans l’évolution comme dans le management, il y a deux grands types d’organisations sociales : les macaques et les chimpanzés. Comme il y a toujours des macaques, plus routiniers et incrémentaux, et des chimpanzés, plus innovants et adaptatifs, il importe de savoir dans quel contexte un modèle s’applique mieux. Une question de management, d’éthologie et d’anthropologie ; en un mot, de culture.

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