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Les violences physiques et mentales des hommes envers les femmes sont-elles le fruit du patriarcat, ou de notre biologie ?

Pascal Picq, paléoanthropologue, apporte quelques réponses dans Et l’évolution créa la femme. Retraçant également le rôle de la femme dans l’histoire de l’humanité, bien plus importante que ce qu’on essaye de transmettre depuis longtemps.

 

Depuis le début de l’année 2020, la France dénombre 78 féminicides. Pourquoi, dans l’espèce humaine, les hommes tuent-ils les femmes ? Alors oui, pas tous, on sait, #notallmen… Mais impossible d’ignorer ces chiffres et les comportements sexistes qui les accompagnent et, parfois, en sont l’origine. Notre lignée était-elle destinée à créer une société patriarcale ou aurait-elle pu être tout autre ? Pascal Picq, paléoanthropologue, tente de répondre à ces questions dans son nouveau livre, Et l’évolution créa la femme (éd. Odile Jacob).

Le maître de conférence fait tomber de nombreux clichés sur la place de la femme dans l’évolution, avec une étude de la vie sociale de nos plus ou moins proches cousins, des chimpanzés aux lémuriens, en passant par les bonobos. Le spécialiste a choisi d’employer le terme de coercition sexuelle, c’est à dire « l’usage de la menace ou de la force par un mâle dans le but d’accroître ses chances de copuler avec une femelle lorsqu’elle devient fertile et de réduire ses chances qu’elle copule avec d’autres mâles, au risque pour la femelle d’en subir un coût. » Dans la première partie de l’ouvrage, il aborde la coercition chez les animaux et en particulier chez les grands singes. La seconde partie s’attarde quant à elle sur l’évolution des systèmes sociaux imposés par les mâles puis par les hommes, des origines de l’humanité à nos jours.

Les fables de la naissance de la lignée humaine

Commençons par démonther quelques mythes. Celui de l’homme dominant copulant avec toute les femelles et transmettant sa semence, source d’évolution, est qualifié de « délire machiste » ou de « bêtisier florissant » par le paléoanthropologue. Une idéologie qui a pourtant réussi à se donner le statut d’hypothèse scientifique, s’ancrant avec acharnement dans beaucoup de manuels scolaires. Des hommes des cavernes qui, certes, battaient leurs femmes, mais les protégeaient des attaques extérieurs, est un véritable bulshit ou « banalités affligeantes », comme le dit plus poliment Pascal Pick. Et par dessus cela, les femelles se seraient en plus auto flagellées en participant à la sélection de ces mâles violents.

Les sciences se sont abreuvées des stéréotypes de leurs époques pour en faire des hypothèses largement répandues, partagées dans des revues et autres magazines à forte réputation. Pour Pascal Picq « l’erreur est humaine, mais persévérer en prétendant s’appuyer sur les sciences, est coupable. »

Moins d’un quart des espèces ont des mâles violents envers les femelles

La coercition sexuelle des mâles envers les femelles dans le monde animal est bien plus rare que l’on ne pourrait le penser. Chez les mammifères, ces genres de comportements sont même relativement peu répandus. Toutefois, il faut bien le reconnaître, quand on s’intéresse aux primates, la tendance augmente. En effet, « c’est chez les primates et tout particulièrement chez les singes et grands singes que les formes de coercitions sexuelles sont les plus diversifiées et violentes. » Une rareté loin d’être un gage de qualité dans ce cas… « Une explication tient au fait que les sociétés où un ou des mâles réside [sur le même territoire à proximité des femmes, ndlr] en permanence restent rares. Or, c’est justement une particularité de l’ordre des primates. »

Mais soulignons également que certains grands singes, comme les bonobos qui vivent en gynocratie, n’exercent pas de coercition sexuelle. L’argument « c’est un caractère propre à nos espèces » ne peut donc pas fonctionner.

« Plus l’asymétrie de l’investissement parental s’accentue, plus il y a de coercition sexuelle »

On vous le dit depuis le début, il faut allonger le congé paternité ! Pardon je m’égard, c’est un autre sujet… Quoique, pas vraiment. J’extrapole évidemment, mais si on écoute Pascal Picq, chez les primates, le constat est assez explicite : « plus l’investissement parental des femelles est important comparé à celui des mâles, plus la coercition sexuelle est intense, même s’il y a des exceptions. »

Une inégalité d’engagement parental qui s’avère être un véritable enjeu de contrôle pour les mâles.

Pas de fatalité environnementale ou génétique

La diversité des modes de vie entre des espèces vivant sur des territoires similaires ou étant proches génétiquement viennent démontrer qu’il n’existe aucun déterminisme. Pour illustrer cela, prenons l’exemple cité par Pascal Picq : les babouins Hamadryas sont machistes au plus haut point, alors que les Geladas n’exercent pas de coercition sexuelle, pourtant, ces espèces vivent toutes les deux sur les plateaux d’Ethiopie et sont quasiment de la même lignée.

Bien sûr, l’insécurité d’un territoire est un facteur : elle provoque souvent des violences dont les femelles subissent les conséquences. Par exemple « les espèces aux mœurs terrestres se montrent globalement plus agressives, notamment pour la coercition sexuelle », mais c’est loin d’être le premier facteur. Donc « il ne s’agit pas de déterminisme écologique, mais de contraintes écologiques. »

Si vous souhaitez organiser une conférence avec Pascal Picq, contactez le 06 88 09 09 79